13 et 14 Juillet 1991

Le Massif du Canigou :

Samedi 13 Juillet, 13 h.30, les aspirants au Week-end CANIGOU se retrouvent et se compent :
tant pis pour le petit nombre, nous essaierons de compenser la quantité par la qualité !
Sacs, tentes et duvets chargés dans la malle, c'est l'autoroute qui nous absorbe et, plein sud, nous conduit jusqu'à Perpignan, d'où nous apercevons déjà le massif auquel nous allons nous attaquer.

Direction Prades, puis enfin le panneau CANIGOU. Et les choses sérieuses commencent, surtout pour la voiture qui rebondit de creux en bosses, de saignées en cailloux, sur une piste forestière étroite serpentant à flanc de montagne et bordant souvent des à-pic de plus en plus impressionnants. Nous rencontrons un groupe de jeunes gens en train de s'équiper pour descendre le torrent qu'on devine au fond de la gorge.

24 kms. de piste : 2 h.00 environ nous seront nécessaires pour les gravir; mais voici enfin le chalet-hôtel des Cortalets rebâti au milieu des conifères, dans un magnifique cirque de montagnes, après avoir été démoli pendant la dernière guerre pour avoir abrité le maquis Henri Barbusse.

Si la plaine, en bas, continue à cuire, sans doute, doucettement, nous devons ici tirer les tricots du sac et les endosser car le thermomètre de la voiture nous a permis de constater que, pendant que nous montions, les degrés, eux, descendaient. A l'arrivée, nous en avions perdu une bonne quinzaine. D'ailleurs un néné tout proche nous rappelle que l'altimètre marque 2.200 !

Chercher un coin propice ( pas dans un creux, pas sur des cailloux, mais dans une clairière au milieu des pins ), planter les tentes, installer les matelas et duvets nous occupe jusqu'à l'heure du repas que nous prendrons chaud, au chalet voisin. Salle joliment décorée, personnel accueillant, ambiance agréable et nourriture substantielle que nous essaierons de compenser par une promenade digestive sur le sentier du Canigou. Nous longeons un lac aux eaux sombres, cotoyons chevaux et troupeaux de ruminants paisibles; le soir est calme.



Mais soudain le paysage s'anime car, d'un bosquet, jaillissent ceux que nous espérions voir sans trop y croire : 4 Izards qui viennent de boire au point d'eau voisin, la fontaine de la Perdrix (2260 m.), ils bondissent et s'ébattent sous nos yeux pendant plusieurs minutes, nous laissant le temps de les contempler à loisir. Mais la nuit tombe et il faut regagner nos abris de toile, abandonnant nos amis à leurs gambades.

Nuit plus ou moins blanche selon les personnes. L'aube pointe et déjà les sommets environnants s'éclairent. L'air plutôt "frais", l'eau plutôt glacée n'incitent pas à des ablutions prolongées. Vite, s'habiller, plier les tentes, préparer les sacs, ranger le matériel dans la voiture et, après un petit déjeuner bienvenu, car il est chaud, la grande aventure commence.

"Passez par la gauche, a dit le gérant du chalet, c'est plus long mais plus intéressant"; nous suivons ses conseils. Le sentier serpente d'abord dans la forêt où les myrtilles sont encore trop vertes pour être dégustées. Puis les arbres laissent la place aux rochers et le paysage change: pentes plus ou moins abruptes tapissées de rhododendrons et de genêts nains au parfum entêtant. Nous apercevons en contrebas le chalet et le lac qui s'amenuisent de plus en plus. La montée est rude, certes, d'autant plus qu'un vent violent, venant la plupart du temps de face, nous coupe la respiration dès que nous ouvrons la bouche et arrive même parfois à nous déséquilibrer.

Cependant nous ne nous avouons pas vaincus et, longeant la crête, nous parvenons au premier sommet de notre randonnée: le pic Barbet à 2733 m. Une petite halte restauration et nous redescendons jusqu'à la Porteille de Valmanya à 2591 m. par un sentier tracé sur un gigantesque éboulis. Il faut ensuite obliquer vers la droite pour gravir enfin ce pic qui depuis la veille semble tantôt nous narguer, tantôt nous appeler. Encore un sentier, sur lequel il vaut mieux ne pas faire de faux-pas car, à gauche, on descendrait...bas ! Nous arrivons ainsi à la Brèche Durier à 2691 m.

Mais qu'est-ce qui ce dresse là, devant nous ? Une cheminée rocheuse, disent les guides, et c'est là qu'il va falloir passer ! C'est le moment de parodier Pierre Dac et Francis Blanche en se disant "on peut le faire !" Et nous grimpons, assurant nos prises aux endroits délicats, pour enfin déboucher sur le sommet à 2784 m., d'où une vue magnifique nous paie de nos peines: à l'Ouest des massifs enneigés, à nos pieds la plaine du Roussillon avec ses villes et villages, en face la barre des Corbières et même, au loin, la grande bleue qui se perd dans la brume.

La descente sur le versant Nord, par le pic Joffre, nous permet de serpenter encore au milieu des étendues roses et jaunes, trouées, ici ou là, du bleu profond des gentianes. Le chalet nous accueille à nouveau pour un apéritif que nous estimons bien mérité, avant de chercher, pour notre pique-nique, un coin tranquille surplombant la vallée de Taurinya.



Puis la voiture affronte à nouveau une piste de descente, celle-ci par le col de Millières, aussi difficile mais plus étroite que celle de la veille, ce qui nécessitera quelques manoeuvres périlleuses lorsque nous croiserons une jeep du Canigou et son plein de touristes.

Enfin la vallée se rapproche et notre aventure va se terminer, du moins le croyons-nous ! Pourtant, au bord de la piste soudain un paquet bleu, qui se révéle être un jeune homme victime d'un malaise. Les nombreuses voitures qui passent sont toutes étrangères... Alors, que faire ? Pendant que les dames s'occuperont du malade au milieu d'Espagnols volubiles, le chevalier Denis ira prévenir les secours; et c'est le ballet traditionnel : pompiers et gendarmes accompagnés de Denis, revenu pour les conduire, hélicoptère du SAMU larguant son médecin sur un rocher avant d'aller se poser, non sans peine un peu plus loin.

La fin de la descente se fera dans un 4/4 espagnol et après une boisson pour se remettre des émotions, cap sur Toulouse.

Nous jetons au passage un dernier regard, depuis la route, sur ce sommet mythique, symbole de l'âme catalane, qui nous a offert, l'espace de quelques heures, de cotoyer sa majesté et ses mystères chantés par les poètes...

La grande ville est là, à nouveau, mais comme on y respire mal !

Geneviève De CABARRUS